« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

Vertigo des lectures/Vortex du crime. 2.



On trouve aussi, dans la Postface de Danzig, à propos de Dickens, une référence à l’existence de Dieu : «ah non, ce n’est pas fin, la façon dont il amène la mort de Wilding, mais quand elle arrive, il y a de quoi pleurer. Dickens  est une preuve de l’existence de Dieu. » Serait-ce une citation cryptée du texte de Sciascià qui écrit, à propos de l’existence du crime parfait : «Le fait qu’il ne puisse pas ne pas y avoir de solution signifie également qu’il n’existe pas de crime parfait et que, peut-être, il faut considérer l’existence – l’existant –comme un crime parfait : comme preuve de l’existence de Dieu.»[1]

Dans sa Brève histoire du roman policier, Sciascià cite Hans Magnus Enzensberger qui, dans Politique et crime, revient sur la définition du mot  crime lui-même comme « homicide » : « … et en cela le « giallo » répond à la conscience  et à la notion populaire du crime comme homicide, et seulement homicide : « le crime originel, le crime capital », dit Enzensberger dans son intéressant  Politique et crime – et nous nous référons à la traduction française parue chez Gallimard - , « le crime en soi ressort de la loi du talion », la peine de mort… ».

Voici l’intégralité du passage du livre d’Enzensberger que Sciascià a utilisé:

«Bien qu’il soit relativement rare, le meurtre, dans la conscience populaire, tient une position clef. C’est à travers son exemple que l’on commence enfin à saisir ce qu’est un crime.

Les romans et les films policiers, reflets de cette conscience populaire, confirment que l’assassinat occupe la place centrale : mieux, qu’il est pour ainsi dire confondu avec la notion du crime.

Que le meurtre soit le crime originel, le crime capital, le crime en soi, ressort de la loi du talion et du châtiment qu’elle préconise : cette punition, la plus ancienne, la plus radicale et, jusque très tard dans le Moyen Age, la punition fondamentale, c’est-à-dire la peine de mort, présuppose ce qu’elle veut faire payer : le meurtre. » [2]

suite

 


[1] Léonardo Sciascia, Brève histoire du roman policier, in Mots croisés, Fayard, Paris 1985, p.p. 264-265.
[2] Hans Magnus Enzensberger, Politique et crime, Tel Gallimard, n°378, Paris, 1967, p. 8. 9.

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