« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

De la déception comme art du comble(ment). 2. a propos du film de Julien Prévieux: "Patterns of life".


Equivalences

  L’alternance circulaire de la déception et de son comblement déjoue le piège d’une double instrumentalisation : celle de l’illustration (images captives, réduites au statut d’ornement du texte)  et celle de l’explication  (texte captif, réduit au statut de légende des images).   C’est un régime général d’équivalences aléatoires et incommensurables qui domine : équivalences entre expérimentation chorégraphique, cinématographique (la mise en scène) et expériences normatives (la schématisation ciblée des parcours des corps) : images pour les unes, voix pour les autres, selon des points de vue irréductibles.

Mais la Schize, bien sûr n’est pas totale : elle opère un dispatching de points de contacts, d’effleurement ou d’affleurement, des équivalences, donc, selon  différents degrés de figuration.

Certains éléments désignés par la voix restent off, forclos. D’autres ont des substituts : par exemple, alors que la voix parle de « vache », nous verrons des lapins et une tortue… Les contacts sont indirects et indicatifs : un plan sur le sol d’un blanc nacré du plateau vide est l’indication d’une possible métaphore alors que la voix parle d’un glacier, mais cela reste ouvert. Des translations virtuelles sont simplement indiquées, déplacements inaboutis qui relancent sans cesse le jeu de l’actuel et du virtuel : ébauches d’actualisation, résidus de virtuel.   

Ce traitement allusif se déploie dans des séquences  qui jouent délibérément le jeu des équivalences en établissant des figurations complexes dans lesquelles « les propriétés physiques de la grâce » ne sont jamais absorbées dans la matérialité intéressée des visées ergonomiques de l’économie. Il en est ainsi de l’efficacité croissante des gestes chorégraphiés de l’enlèvement des chevilles de métal d’un tableau vertical et de la séquence qui suit de placement de chevilles de bois sur un tableau horizontal ; il en est ainsi de la gestuelle « à vide », du mime, alors que la grâce des danseurs excède toute vision unilatérale de l’adaptation mercantile du geste (« d’une discipline du mouvement à un contrôle du mouvement », dit la voix) : l’illustration déçue fait rayonner le film.

Le film culmine lors un effet de foule de danseurs en mouvement, équivalent lointain d’un mouvement perpétuel et d’une interaction généralisée,  vaine recherche « d’inconnus inconnus », aux activités indéfinissables voire réfractaires.

Mais ces parallélismes, ces croisements inaboutis, ces translations ébauchées, prennent parfois une autre signification, double elle aussi, qui relève d’une autre forme d’équivalence dont la fonction structurale est différente : l’autoreprésentation.

De la déception comme art du comble(ment). 3.

De la déception comme art du comble(ment). 1.

La Désaffection

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